Vous pourriez me répondre, philosophe que vous êtes, la neige c’est de la neige. A Paris comme ailleurs. Évitez. Parce que si c’est tout ce que vous avez pour alimenter cette conversation, alors on frôle l’anémie verbale ! Que les choses soient claires, contrairement à la majorité des trois clients matinaux du Café Martin, je ne vais pas ici me plaindre de la gadoue dégueu qui bousille vraisemblablement les bas de pantalons et fait rouiller les chaînes de scooter (!!) et que le langage populaire désigne par bouillasse. Nos amis québecois préfèrent le terme névasse quant à nos amis Suisses (enfin ma pote Salomé) ils sembleraient avoir opté pour l’énigmatique papotche. Enfin tout ça c’est bonnet blanc et blanc bonnet – c’est le cas de le dire – puisque ça n’est jamais qu’une espèce de soupe de neige marronasse qui couvre trottoirs et chaussées après les passages cumulés du redoux, des pneus, des piétons, des crachats, des déjections (canines et autres), et d’éventuels restes de kebab. Avouez que pour l’inspiration romanesque ou poétique, il y a plus stimulant. Quoique? Dickens ou John Fante auraient bien été du genre à faire leurs choux gras d’un(e?) bon(ne?) papotche! Sauf que la neige à Paris, ce n’est pas (que) ça. Avant la bouillasse, c’est d’abord cette épaisse couche de meringue sur les allées et les tombes du Père Lachaise, les gargouilles de Notre-Dame, les bancs publics et les Autolib’ tandis que l’hiver saupoudre inlassablement ses flocons cotonneux (on appréciera le lyrisme). Mais après quelques jours de cette jolie meringue, de ce vacherin éphémère et rare, la joie des enfants retombe et l’humeur des citadins s’assombrit tandis que fleurissent pénis et insanités au détour des pare-brises.
La neige de Suède était pour moi toute à la fois attendue, naturelle, romanesque, implicite et étrangement, rassurante, apaisante et revigorante. Oui, je sais ça fait beaucoup, mais j’aurais été déçue qu’elle ne soit pas au rendez-vous. A Paris, alors qu’elle s’annonce à nouveau, j’ai l’impression qu’elle voudrait prolonger sa visite comme une cousine de province, qu’elle s’incruste et je m’inquiète de la voir de s’installer durablement. Elle me rappelle que le printemps est encore loin et derrière ma fenêtre, je compte les jours qui me séparent des premières jonquilles du Square Joseph de Champlain comme Emma Bovary comptait ceux qui la séparait de Rodolphe…
Gamla Uppsala |
![]() |
Paris |